Le réalisateur Sikou Niakaté, auteur du documentaire « Dans le noir les hommes pleurent », sera à Nantes pour présenter et débattre de son film les 17 et 26 novembre prochain, dans le cadre des Assises nationales de lutte contre les violences sexistes. Il nous livre ses questionnements d’homme féministe, engagé pour questionner le modèle masculin traditionnel.
Que pensez-vous de ces Assises, pourquoi y participer ?
Dans mon parcours personnel, j’ai souvent été le confident de témoignages douloureux des femmes. Certaines femmes en parlent, d’autre pas, mais les violences sexistes me semblent être aujourd’hui la norme. Je prend donc ces Assises comme une grande agora où l’on va semer des graines. Dans tous les cas, elles auront une plus-value : que l’on réussisse à amener ne serait-ce qu’une personne à changer d’avis sera une bonne chose, mais nous allons aussi nous poser des questions entre acteurs déjà engagés pour se trouver plus de solutions, nourrir de nouvelles actions. Présenter mon film dans un tel événement a toute sa place et je viens avec grand plaisir.
De quoi parle votre film « Dans le noir les hommes pleurent » ?
J’ai voulu montrer comment des hommes peuvent raconter leur manière d’être homme, en faisant témoigner mes potes, mes frères, sur leur masculinité. Tous reconnaissent que l’on vit dans un système patriarcal qui nous avantage en tant qu’homme. Mais c’est au prix d’une lourdeur infinie, ça leur pèse, ça leur coûte de devoir être ces hommes. C’est finalement un cri collectif de révolte. Ce film, j’aurais aimé le voir à 12-13 ans pour ne pas me laisser enfermer dans un rôle attendu, m’éloigner de ma personnalité. Aujourd’hui, je le présente devant des jeunes, dans des prisons : la résonance dans les centres pénitenciers, elle est totale.
Êtes-vous féministe ?
Évidemment que je suis féministe ! On vit dans une société tellement injuste avec les femmes qu’on n’a pas le choix. Et je n’arrive pas à dissocier cette situation de violences de la manière dont les hommes se construisent. Quel est leur rapport aux émotions ? Comment se fait-il qu’ils soient toujours des cocottes-minutes en ébullition ? Notre société est violente, elle crée des hiérarchies, des hommes exercent de la violence contre les femmes. Il faut arrêter de façonner ce type d’homme, de construire encore et encore ce modèle unique. Il faut comprendre la manière dont les hommes se construisent aujourd’hui dans notre société pour mieux lutter contre les violences sexistes.
Avez-vous une actualité à nous partager ?
C’est plutôt une préoccupation, un questionnement d’actualité pour moi. Nous les gars qui nous disons bienveillants, qui refusons la violence explicite, sommes-nous bien sûrs d’être clean avec nos partenaires ? N’y a-t-il pas des angles morts qu’il nous faut encore éclairer pour progresser ? Chacun de nous doit s’interroger sur ce point il me semble.
Quelle mesure phare prendriez-vous pour lutter contre le fléau des violences sexistes ?
C’est multifactoriel, une seule mesure ne suffirait pas. Par contre, c’est certain que ça passe nécessairement par un engagement financier de l’État et même par un engagement financier massif, qui montrerait l’importance de cette cause.
Ses conseils
Le livre « La volonté de changer » de Bell Hooks
« Je partage l’idée que deux féminismes doivent cohabiter : un féminisme qui bouscule car il faut se révolter car le patriarcat tue, et aussi un discours plus pacifique, plus conciliant, moins intense, pour faire évoluer plus largement toute la société. »
Le podcast « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon
« C’est un geste plein de panache de la part d’une femme je trouve. Un super podcast pour déconstruire les masculinités. »
Pratique : Pour voir le documentaire « La nuit les hommes pleurent » et en débattre, deux rendez-vous :
- le jeudi 17 novembre à 19h, à l’Amphithéâtre de l’école des Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire, 2 allée Frida-Kahlo à Nantes. Gratuit, sur inscription ici
- le samedi 26 novembre à 13h à la Cité des Congrès, dans le cadre de la journée rand public des Assises nationales de lutte contre les violences sexistes. Gratuit, sur inscription ici